Je suis un vieux célibataire quinquagénaire infréquentable, politiquement incorrect et je n'ai pas la moindre envie de me faire une place dans la société.
En fait je veux toutes les places : celles du haut, du bas, et de la marge. Je veux les places que les autres ne veulent pas parce que celles d'à côté sont mieux, on y voit mieux la scène... mais la scène je n'ai pas besoin de la voir, je connais le spectacle par cœur et il n'est pas toujours très réjouissant.
Je veux une place derrière le pilier, pour pouvoir faire tout ce que je veux sans que personne ne vienne y redire.
Je veux un strapontin pour pouvoir filer en douce à l'heure du sermon.
Je veux la place derrière la grosse dame au chapeau rigolo et qui sent si bon le patchouli.
Je veux être près du radiateur l'hiver, et près de la fenêtre quand revient le printemps.
Je monterai sur l'estrade, puis j'investirai le perchoir. On me tendra un micro, mais je serai déjà parti.
Je suis le fantôme de la société, celui qu'on voit mais qu'on ne regarde pas, qu'on entend mais qu'on n'écoute pas ; moi j'écoute tout, j'observe tout, mais je ne vois ni n'entends rien. C'est le vide, le grand vide, dans cette société où il n'y a rien que des petites places, une pour chacun, avec son nom marqué dessus.
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